1883

Naissance de Charles-Albert Cingria le 10 février à Chêne, en banlieue de Genève. Son père, Albert Cingria (1842-1891), récemment naturalisé, a des racines à Raguse et à Constantinople, et occupe à Genève le poste de codirecteur de la fabrique d'horlogerie Patek-Philippe. Sa mère, Caroline Stryienska (1846-1913), peintre, est d'origine polonaise. Elle est la soeur de Casimir Stryienski (1853-1912), le spécialiste de Stendhal. Charles-Albert a un frère aîné, Alexandre (1879-1945), qui deviendra l'un des peintres et verriers les plus influents de l'art religieux en Suisse romande. Trois ans après Charles-Albert naît Anne, sa petite soeur (1886-1974).

1891

Mort d'Albert Cingria à quarante-neuf ans.

1893

Charles-Albert Cingria entre au Conservatoire de Musique de Genève, pour un an.

1895

Entrée au Collège de Genève ; il a dans sa classe Charles Zanello, son futur beau-frère.

1896

Vacances à Constantinople dans la famille paternelle. Retour en catastrophe avec les Arméniens fuyant les massacres turcs. En automne, Charles-Albert Cingria est inscrit à l'internat de l'abbaye de Saint-Maurice, en Valais, pour deux années scolaires qui le marqueront.

1898

Charles-Albert Cingria est placé à l'internat d'Engelberg, dans le canton d'Obwald, qu'il quitte en février de l'année suivante. Il s'initie à l'orgue et intègre le Conservatoire de Genève, pour trois ans et demi, dans la classe d'orgue du compositeur Otto Barblan.

1900

A Genève, les frères Cingria ont pour amis les jeunes poètes Adrien Bovy, Henry Spiess et Charles Ferdinand Ramuz, qu'Alexandre a rencontré à l'armée.

1902

A presque dix-neuf ans, Charles-Albert Cingria abandonne le Collège. Il passe ses examens du Conservatoire, sauf celui d'orgue, auquel il ne se présente pas. En octobre, il s'installe pour six mois en Italie, à Rome ; il y étudie la musique avec Sgambati et lit Platon en latin à la bibliothèque du palais Farnèse.

1903

Après avoir renoncé à la composition musicale, Cingria se tourne vers les lettres. A son retour d'Italie, au printemps, il compose « Pecus infectum ou Parthénias et le troupeau atteint de maladies contagieuses », dont la lecture divise ses amis. Le texte ne sera jamais publié ; il est aujourd'hui perdu. Le 27 juin paraît le premier article signé C.-A. C., dans la Gazette de Lausanne, « Les vitraux de Saint-François», plaidoyer en faveur de l'oeuvre de son frère Alexandre. Après un passage de plusieurs mois en Espagne, Cingria se rend au Maroc en octobre.

1904

Début de l'année en Italie (Sienne, Rome, Naples). En février paraissent Les Pénates d'argile (« essai de littérature romande »). L'ouvrage rassemble des textes de C. F. Ramuz, Adrien Bovy, Alexandre et Charles-Albert Cingria (qui signe Adalbert d'Aigues-Belles). En mars, nouveau séjour à Constantinople. En octobre paraît le premier numéro de la revue La Voile latine, à laquelle collaborent notamment C. F. Ramuz, Adrien Bovy, Maurice Baud, Robert de Traz, Gonzague de Reynold et les frères Cingria. Charles-Albert y insérera dix textes jusqu'en avril 1910. Le premier article de Cingria, « A propos du centenaire de Pétrarque », signé A. D. Aigbessis, concerne déjà un auteur qui l'occupera toute sa vie. A la mi-octobre, Cingria s'installe à Paris, 8 rue des Beaux-Arts, où Ramuz vient le rejoindre. Ils partagent l'appartement un mois environ, après quoi Ramuz déménage.

1905

Nouveaux séjours en Italie, à Sienne (mai) et à Florence (octobre-novembre) où résident son frère et sa belle-soeur. Cingria y fréquente Adolfo de Carolis, le peintre et illustrateur des oeuvres de Gabriele D'Annunzio, et compose « La Fille du païen ».

1906

En février, Charles-Albert Cingria visite Marseille et la Corse. Contribution unique à la revue Leonardo de Giovanni Papini. Il séjourne à Paris jusqu'en avril. Cingria publie un compte rendu virulent du congrès espérantiste qui se tient à Genève du 28 août au 1er septembre. Le pamphlet A propos de la langue esperanto, dite langue universelle, qui paraît en septembre, constitue la première publication monographique de l'auteur. Cingria repart pour Paris en automne, et passe la fin de l'année dans le Maghreb.

1907

En février, Charles-Albert Cingria est pris dans les inondations de Bône (ancienne Hippone, Algérie). Il y perd une bonne partie de ses manuscrits, mais raconte l'épisode avec drôlerie : la « Lettre à Henry Spiess » sera publiée à son insu par ses amis dans La Voile latine en juin. Cingria revient à Genève par Florence, puis est à Paris en septembre. Nouveau séjour à Rome en octobre.

1908

En mars, Charles-Albert Cingria retrouve l'Algérie. Il est de retour à Genève en mai, puis se rend à Venise et à Rimini en juillet, d'où il s'embarque pour Constantinople. En automne, retour à Paris. Il se brouille avec Ramuz pour une affaire de citations latines, fréquente son oncle, le stendhalien Casimir Stryienski et fait du vélo au Bois. Puis il retourne à Rome pour passer l'hiver.

1909

Nouveau séjour prolongé à Constantinople, en septembre, où il assiste à la fin du Ramadan. Retour en novembre par l'Autriche, l'Allemagne et Nancy, avant de faire halte à Paris. Cingria passe les fêtes à Genève.

1910

Retour à Paris en janvier, où Cingria est témoin des inondations de la Seine. Il s'enthousiasme pour la lecture d'Alfred Jarry, Les Jours et les Nuits. Conflits, à la fin de l'année, avec Robert de Traz et Gonzague de Reynold au sujet de l'orientation de La Voile latine.

1911

La Voile latine, en janvier, est « sabordée » par les dissensions entre le clan « latin catholique » (les Cingria et Adrien Bovy) et le clan « Suisse protestant » (Gonzague de Reynold et les frères de Traz). Sur les décombres de la revue, Cingria fonde La Voix clémentine ; Robert de Traz Les Feuillets. Les uns et les autres se disputent les bonnes grâces de l'Action française. A la suite d'un article qu'il juge injurieux, la situation s'envenime entre Gonzague de Reynold et Cingria, qui gifle ce dernier sur la voie publique le 19 mars. Il en coûte cent francs d'amendes à Cingria, qui doit en outre payer des dommages et intérêts à son adversaire. En avril paraît le deuxième (et dernier) numéro de La Voix clémentine. Charles-Albert Cingria collabore, et pour sept publications, aux Idées de demain, organe maurrassien de la Suisse française.

1912

Cingria passe l'été à Genève.

1913

Caroline Stryienska, la mère de Charles-Albert, dernier élément stable du cercle familial, meurt le 4 février. Edmond Gilliard et Paul Budry fondent les Cahiers vaudois. Les frères Cingria se joignent à eux. Dans le sillage de l'Action française, Cingria fait la connaissance du poète Sylvain Pitt. Il fréquente les milieux russes de Genève.

1914

Au printemps, Charles-Albert Cingria fait la connaissance de Max Jacob qui lui ouvre les milieux littéraires parisiens et le met en rapport avec Cocteau, Jouhandeau, Pierre-Albert Birot, Marinetti, Tzara, Georges Hugnet. Il rencontre également Paul Claudel, alors consul à Hambourg. Conférence à Hanovre (30 mars) et à Hambourg (du 1er au 6 avril) sur la chanson française, comme accompagnateur de Sylvain Pitt, et séjour chez Claudel. Dans la seconde quinzaine de mai, Cingria rencontre Igor Strawinsky qui, le 26 juillet suivant, lui dédie ses Trois pièces pour quatuor à cordes ; leur amitié ne se démentira jamais.

1915

Il est à Paris. Il habite Clichy, travaille, fait des promenades à bicyclette, consulte les manuscrits de la bibliothèque Sainte-Geneviève et fréquente Sylvain Pitt. Cingria contribue en février et en mai aux Cahiers vaudois, avec les « Extraits des notes de garage du neveu aux billettes », et la « Profession de foi d'un embusqué savoyard ». En automne, Cingria déménage et s'installe au numéro 1, rue Gabrielle (XVIIIe arrondissement).

1916

Ernest Ansermet dédie à Charles-Albert Cingria sa Complainte pour piano et chant.

1917

Nouveau déménagement au 41, boulevard Victor, chez la soeur de son ami Vladimir Péclard (le « Monsieur Demitri » des Autobiographies de Brunon Pomposo). En mai, il assiste à Parade d' Erik Satie. En août, il rend visite à Blaise Cendrars, à Courcelles, dans la Beauce.

1918

Charles-Albert Cingria enseigne pour subsister. La guerre ayant anéanti les ressources financières de sa famille, il fait l'apprentissage de la pauvreté. En juin, il s'installe au 59, rue Bonaparte, à Paris, où il restera trente-six ans.

1919

Mort de Sylvain Pitt, le 7 mai à Paris. Charles-Albert Cingria lui consacre un important article nécrologique dans La Revue romande. Le « Prologue du jeu de saint Gervais et Protais » paraît dans la revue Schweizerland (Zurich). Cingria passe l'été à Genève. Il lit Quinte-Curce. En automne, La Revue romande publie « Le Grand Rythme ou mon nationalisme surintégral ».

1920

Charles-Albert Cingria enseigne et fait « des remplacements de cinéma » dont on ne sait rien, écrit et compose « énormément ». Il passe le printemps à Muralto (Tessin), chez son frère absent. Il fréquente Jacques Maritain et met en rapport Paul Budry et Blaise Cendrars.

1921

A Paris, Charles-Albert Cingria vit la misère pire qu'en 1917-1918. En janvier, premier article publié en France : « Le Plain-chant romain » paraît dans Les Ecrits nouveaux de Paul Budry et André Germain. Il travaille au « Temps premier indivisible » qu'il ne fera jamais paraître. Voyage en Italie en mars (Chiari et Rome). En décembre, Cingria poursuit ses recherches musicologiques en Allemagne (Bamberg et Berlin) et en Autriche (Innsbruck).

1922

Charles-Albert Cingria est en Italie en janvier (Vérone, Chiari et Bologne), en mars à Avignon et à Marseille, dans les préparatifs de l'Exposition coloniale. Son premier séjour à l'Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, où Max Jacob réside depuis un peu plus d'un an, a lieu en septembre. Il fréquente à Paris les réunions organisées par Daniel-Henry Kahnweiler où se rencontrent Antonin Artaud, Armand Salacrou, Erik Satie, Max Jacob, Tristan Tzara ou Robert Desnos. En novembre, il apprend à écrire à la machine.

1923

En mai ou juin, premier voyage à Saint-Gall pour des recherches musicologiques. Il annonce à Paul Budry, alors éditeur à Paris avec son frère, un « traité sur le rythme » à venir dans quelques mois. La Civilisation de Saint-Gall ne paraitra toutefois qu'en 1929, aux Editions Payot. Cingria passe l'été en Suisse. Il tente de régler les questions pendantes au sujet des propriétés familiales en Turquie (disputes avec son frère Alexandre). Parution en novembre de la première notice de dictionnaire consacrée à Charles-Albert Cingria, par Paul-Edmond Martin dans le Dictionnaire historique et biographique de la Suisse.

1924

Publication du « Secret de l'art palestrinéen » dans The Transatlantic Review, éphémère revue des Américains de Paris, à la rédaction de laquelle travaille Ernest Hemingway. En octobre et novembre, Cingria voyage en Belgique et en Hollande pour ses recherches musicologiques.

1925

L'Histoire du soldat de Ramuz et Strawinsky est représentée à Paris (article de Cingria dans Les Chroniques du jour). Après la représentation, réunion avec Jean Villard Gilles, Géa Augsbourg et René Morax. Cingria, en avril et mai, est à Saint-Benoît-sur-Loire chez Max Jacob. En novembre, à Milan, son frère Alexandre est incarcéré à la prison San Vittore à la suite de circonstances étranges. Sur intervention d'un conseiller d'Etat genevois, il est libéré après cinq jours, sans explications ni excuses. Cingria rencontre en Hollande le peintre Otto van Rees, son gendre l'écrivain Albert Kuyle et le médecin-peintre Hendrik Wiegersma ; il contribue à la revue catholique De Gemeenschap avec « Le Quinze Juillet » notamment. Contributions également aux Chroniques du jour de Gualtieri di San Lazzaro et contacts avec les Italiens anti-fascistes de Paris.

1926

Parution de « Oceanus sociabilis » dans Les Chroniques du jour, devançant la condamnation de l'Action française par Rome en décembre et l'excommunication de ses adhérents en mars suivant. En juin, il prend part à la publication de Pour ou contre C. F. Ramuz, avec l'article « Ramuz chez lui et ailleurs ». En novembre, Cingria est emprisonné pour trois mois à la prison Regina Coeli à Rome. C'est un délit de moeurs qui l'amène là, aggravé peut-être d'insultes à Mussolini. Il sortira au début de 1927 sur l'intervention de Jacques Maritain, ambassadeur près le Saint-Siège, de Paul Claudel et de Gonzague de Reynold.

1927

Au matin du 4 févier, après trois mois de détention, Charles-Albert Cingria est relâché et reconduit à la frontière suisse. Dans ses affaires confisquées se trouvent deux manuscrits inédits qu'il ne récupérera jamais : « La Politique en un seul grand livre » et « La Grande Tiédeur herbeuse ». Cingria séjourne en Suisse chez différents amis, entre Genève, Berne, Fribourg et Lausanne. Il compose « Le Départ du théâtre en flammes » et « La Grande Ourse » entre février et juin, dont seuls cinq fragments paraîtront en 1929 dans l'hebdomadaire Aujourd'hui. Publication, fin décembre, de Lurçat ou la peinture avec des phares (« Aux Editions Bladzvranckx, Amsterdam »), tiré à 41 exemplaires.

1928

Charles-Albert Cingria séjourne à Saint-Benoît-sur-Loire, après une visite au docteur Tchékoff, à Briare. Les Autobiographies de Brunon Pomposo paraissent en juillet, à l'enseigne des Editions des Lettres de Lausanne. Cingria séjourne en Valais, en août, à Muraz-sur-Sierre où il compose Pendeloques alpestres qu'il achèvera en décembre, à Hermance (Genève). Entrée en contact avec l'éditeur Henry-Louis Mermod.

1929

Année riche en publications : Pendeloques alpestres et Le Seize Juillet paraissent chez Mermod, à Lausanne, en janvier et en mars. Charles-Albert Cingria publie une seconde version du Seize Juillet en mai dans Bifur, la revue que viennent de fonder Pierre Lévy et Georges Ribemont-Dessaignes : il l'intitule Petit labyrinthe harmonique. La Civilisation de Saint-Gall, esquisse d'un fulgurant développement de la séquence poétique, de Notker le Bègue à Blaise Cendrars, paraît en juin chez Payot dans la série des Cahiers romands (récompensé par un prix de la Fondation Schiller en 1932). En décembre, Charles-Albert Cingria entame sa collaboration à l'hebdomadaire Aujourd'hui que viennent de fonder Mermod, Ramuz et Gustave Roud. Il y publiera quelque soixante-dix textes jusqu'en 1932.

1930

Début janvier, Charles-Albert Cingria est en Belgique, en Allemagne et en Hollande. En mars il fait paraître Les Limbes, illustré par Jean Lurçat. Les eaux-fortes de l'artiste sont exposées à Paris, dans la galerie de Jeanne Bucher. En mai et en juin, Cingria voyage avec Max Jacob et Pierre Minet en Bretagne, à la recherche du hameau où avait débarqué saint Colomban au VIe siècle : il en fera le récit dans Le Canal exutoire. Cingria est à Bâle en décembre.

1931

En février, il est à Paris. Le Canal exutoire paraît en avril chez Mermod. Ramuz s'étant cassé le bras gauche à la fin de l'hiver et l'ayant raconté dans Une main, Charles-Albert Cingria l'imite en juin, y ajoutant la clavicule droite, lors d'une chute à bicyclette. « Ce pays qui est une vallée » est publié en novembre dans Aujourd'hui. Cingria passe Noël chez le poète Bravig Imbs qui lui présente Henry Miller.

1932

En janvier, Charles-Albert Cingria jette le manuscrit de son Pétrarque au feu, désespérant de parvenir à le faire éditer. Il est à Lausanne en mars, et, au printemps, il reconstitue le livre d'après son brouillon. Voyage au Mont Ventoux sur les traces de Pétrarque. En mai, probablement, Mermod publie les Impressions d'un passant à Lausanne. Cingria passe l'été à Arlesheim (Bâle-Campagne) chez Robert Hess. En décembre, les Editions Payot publient Pétrarque.

1933

Parution en mars de L'Eau de la dixième milliaire chez Mermod. En juin, Cingria publie pour la première fois un article dans La Nouvelle Revue française ; Claudel demande à Jean Paulhan d'assurer à Cingria une collaboration régulière : elle durera jusqu'en 1940, et s'étendra sur quelque soixante-dix articles, dont une moitié sont des comptes rendus d'oeuvres. Cingria, en août, est au Tessin. Le 28 novembre, il signe avec Henry-Louis Mermod un contrat de cinq ans (le « contrat du Pavillon ») : pour cent francs suisses par mois, l'auteur s'engage à fournir annuellement à l'éditeur cent vingt pages de copie.

1934

Plusieurs articles dans La Revue musicale d'Henry Prunières, entre janvier et avril. « Hippolyte hippocampe », d'après Euripide, paraît dans La Nouvelle Revue française en juin. Cingria passe la seconde partie de l'année en Haute-Savoie et en Suisse, notamment à Ouchy. En septembre, il livre le premier « Air du mois » dans La Nouvelle Revue française.

1935

Charles-Albert Cingria reçoit le Prix Rambert pour Pétrarque, en juin. Rencontre avec l'écrivain et critique d'art Jean Dunoyer.

1936

En avril, Charles-Albert Cingria passe à la radio : il gagne mille francs en parlant six minutes au Poste parisien. Il collabore à Mesures et à Arts et métiers graphiques. Il rencontre le peintre Paul Monnier. Sous la direction de son frère Alexandre, il collabore à la restauration du temple de Crans-sur-Nyon, puis donne des conférences à Nyon, Lausanne, Fribourg, Zurich, Bâle et Berne.

1937

Charles-Albert Cingria passe pour la quatrième fois consécutive les six derniers mois de l'année en Suisse et en Haute-Savoie, notamment à Monthoux. En été, il compose « Géographie vraie » pour Mermod, qui le gardera inédit. Début octobre, Cingria rencontre Gertrude Stein à Bilignin, dans l'Ain, par l'entremise de Pierre Leyris. En décembre paraît à la Guilde du Livre Notre terre et ses gens, recueil de dessins de Géa Augsbourg dont Cingria signe la préface.

1938

Charles-Albert Cingria collabore à différentes revues : XXe siècle, Le Point, Vendredi... Il assiste en septembre au soixantième anniversaire de Ramuz, à Chexbres, et participe à l'Hommage à Ramuz qui paraît à cette occasion.

1939

Voyage à Berne, chez son ami Paul Rosset. Au printemps, le poète Aloÿs-Jean Bataillard crée à Paris une éphémère association des « Amis de Charles-Albert Cingria », qui publie Le Comte des formes, version retouchée de L'Eau de la dixième milliaire. Excursion dans l'Ain avec Balthus. A la veille de la guerre, Charles-Albert Cingria quitte Paris pour la Suisse. A Noël paraît son premier article dans la revue Formes et Couleurs.

1940

Charles-Albert Cingria est à Genève et Lausanne. Il connaît des jours sombres, vit d'articles mal payés. En mai paraît son dernier article dans La Nouvelle Revue française, bientôt muselée par l'occupation allemande. Conférence-causerie à Ascona en été. En octobre, il publie son premier article dans l'hebdomadaire neuchâtelois Curieux, qui en donnera quinze jusqu'à la fin de la guerre. Cingria passe l'été chez des amis, les Chevalley, à Préverenges dans le canton de Vaud.

1941

Fribourg, Lausanne, Ouchy, Valais. En juillet, conférence dans les locaux lausannois de la Guilde du Livre, intitulée « Vingt et un ans à Paris ». Il la répète à Fribourg, puis à Genève. En août paraît le recueil Stalactites, publié à grand tirage et illustré par Auberjonois. Cingria fait une première excursion avec Paul Monnier en Valais. En novembre il fonde à Saint-Saphorin, avec Géa Augsbourg, les Petites Feuilles, publiées grâce au soutien de la maison Veillon. Cinq numéros paraîtront jusqu'en 1942.

1942

Collaboration à Poésie 42, Confluences et Formes et Couleurs. En septembre paraît son premier article dans le journal lausannois L'Action, qui en publiera près d'une trentaine jusqu'à la fin de la guerre. En automne, il bénéficie de l'action fédérale de secours en faveur des artistes et intellectuels, qui lui alloue une aide financière.

1943

Accident de vélo à Montricher, où il avait assisté au mariage de Gérard Buchet. Au printemps, Charles-Albert Cingria se rend pour une seconde excursion en Valais avec Paul Monnier. Ils en donneront le récit illustré dans Le Parcours du Haut-Rhône l'année suivante. C'est à Fribourg que Cingria trouve alors refuge, au 5 de la Grand-Rue. Ses voisins sont Aloÿs-Jean Bataillard, Georges Borgeaud et Pierre-Olivier Walzer. En juillet paraît Enveloppes, chez Gonin : treize courts textes d'après vingt lithographies d'Auberjonois, luxueusement imprimés. Cingria donne une conférence en novembre, à Fribourg. Parution de La Complainte de Venus d'Othon de Grandson avec des gloses marginales de Cingria.

1944

Max Jacob meurt le 5 mars. Cingria lui rend hommage dans Curieux et Labyrinthe. A la même époque, il termine son livre sur la reine Berthe, mais « aucun éditeur ne s'y intéresse ». Début de la collaboration à la Revue de la Maison Charles Veillon et au Journal de la Maison Charles Veillon. Le Parcours du Haut-Rhône, ou la Julienne et l'ail sauvage est publié en septembre aux Editions Egloff. En décembre, Florides helvètes paraît aux Editions des Portes de France, à Porrentruy, aux bons soins de Pierre-Olivier Walzer.

1945

De janvier à mars, Charles-Albert Cingria donne une série de huit conférences musicologiques au Conservatoire de Lausanne, et une conférence en mai sur l'Histoire du soldat au Cercle des Arts de Genève. Le Camp de César, illustré par Géa Augsbourg, paraît en mai aux Editions Michod et Cie. Blaise Cendrars, dans son Homme foudroyé paru en août, insulte Charles-Albert Cingria, brouillant les deux hommes à vie. Cingria lui répondra dans Bois sec Bois vert, en 1948. « Le Carnet du chat sauvage » paraît dans Labyrinthe entre août et octobre. Mort d'Alexandre Cingria le 8 novembre. Deux jours plus tard paraît Musiques de Fribourg aux Editions de Belles-Lettres, avec des croquis de Bernard Schorderet. A la fin de l'année, Charles-Albert Cingria quitte Zurich, où il travaille à une présentation du sculpteur Bänninger, et retrouve, à Paris après sept ans d'absence, son logement de la rue Bonaparte. Le 13 décembre, il assiste pour la première fois à un des fameux « Jeudis » de la mécène Florence Gould, avenue Malakoff, en compagnie de Paulhan, Jouhandeau, Marcel Arland, Marie Laurencin, Paul Léautaud...

1946

Charles-Albert Cingria présente au Théâtre des Champs-Elysées la reprise de l'Histoire du soldat. Enveloppes est repris par Mermod à Lausanne dans sa collection du « Bouquet ».

1947

En janvier, il donne des conférences à Paris sur Pétrarque et Philippe de Vitry, avec la cantatrice Gisèle Peyron. En avril, Jean Dubuffet et Arman Robin prennent publiquement sa défense : Cingria est accusé de tenir des propos « collaborationnistes ». Ramuz meurt le 23 mai. En avril, Charles-Albert Cingria contribue pour la première fois aux Cahiers de la Pléiade, succédané de La Nouvelle Revue française alors en « épuration ». Parution, en mai chez Mermod, du Bey de Pergame (suivi d'une réédition du Canal exutoire). Cingria séjourne en été chez Suzanne Tézenas, près d'Annecy. Il passe ensuite quelque temps à Aix-en-Provence chez le couple de peintres Meraud et Chili Guevara. La Reine Berthe et sa famille paraît en novembre aux Editions des Trois Collines. C'est le dernier de ses livres publié de son vivant. L'ouvrage est récompensé par la Fondation Schiller.

1948

Séance de signature, en février, de La Reine Berthe et sa famille à la librairie du Camée, puis dîner à la Brasserie Marty avec une cinquantaine de personnes, dont Paulhan, Strawinsky, Michaux, Dubuffet, Léger, Follain, François Michel. Charles-Albert Cingria retourne à Aix en mai, chez les Guevara, puis en septembre. Passage à Annecy chez Suzanne Tézenas. Bois sec Bois vert, premier volume de l'Oeuvre complète initiée par Paulhan, paraît chez Gallimard à la fin du mois de septembre. Les ventes sont désasteuses et une partie du tirage est pilonné. Les autres volumes prévus ne verront pas le jour.

1949

Cingria passe plusieurs mois, entre juillet et octobre, à Aix chez les Guevara, et à Annecy chez Suzanne Tézenas. Préface à Chiens, album de la photographe Ylla (Kamilla Koffler) et publication d'Otto Bänninger, sur le sculpteur zurichois, avec l'introduction de Cingria.

1950

En février, première contribution de Charles-Albert Cingria à Carreau, la revue de Freddy Buache, qui en publiera une douzaine jusqu'en 1952. Cingria partage son temps entre Paris et le Château de Rubelles, près de Melun, chez le peintre Cosme de Scorailles et le musicien François Michel. Visite à Nicolas Nabokov en juillet, à Recloses. Second semestre à Aix chez les Guevara. Conférence sur « Le Musical pur » chez Suzanne Tézenas, à Paris.

1951

Charles-Albert Cingria est à Aix en juillet, chez les Guevara. Il retrouve Strawinsky à Venise en septembre, pour la première du Rake's progress. Séjour chez Brigitte et Jean Gros, à Malagny. Cingria deviendra le parrain de leur petit-fils l'année suivante. Chili Guevara meurt en octobre. Cingria collabore en octobre à Présence de Ramuz, un recueil d'hommages publié par la Guilde du Livre.

1952

En mars, Charles-Albert Cingria donne une conférence chez Suzanne Tézenas : « Le lait de la louve, ou de la nationalité de la civilisation ». Charles-Albert Cingria assiste en mai au festival « L'oeuvre du XXe siècle », à Paris, où il retrouve Nicolas Nabokov et Igor Strawinsky. Il passe l'été à Saint-Tropez, le début de l'automne chez Brigitte et Jean Gros. En octobre, un accident de vélo le mène à l'hôpital, en Suisse. Il est blessé à la cage thoracique. Cingria fausse compagnie à ses médecins de Genève (parmi lesquels le jeune Jean Starobinski) pour rejoindre Meraud Guevara à Aix ; il passe les fêtes de fin d'année à Saint-Tropez.

1953

Le Bey de Pergame est publié dans La Parisienne de Jacques Laurent. Reprise en février de sa collaboration à La Nouvelle Nouvelle Revue française, qui vient de renaître. Charles-Albert Cingria passe l'été à Saint-Tropez chez Cosme de Scorailles, puis à Aix chez Meraud Guevara. Entre août et octobre, il est à Malagny chez Brigitte et Jean Gros. En septembre il est traité à l'hôpital de Genève. Sa santé se dégrade rapidement. Il donne la conférence « Retour et volte-face » à Sion et à Genève en octobre et novembre.

1954

A la mi février, Meraud Guevara recueille Cingria à Lille, puis, dès le mois de juillet, chez elle à Aix. Cingria se débat avec une cirrhose du foie avancée. Le Dictionnaire intuitif de Chili Guevara est publié en mai, avec le « Témoignage-préface » de Cingria. Le 29 juillet£ Cingria est ramené à Genève en ambulance, par sa nièce Isabelle Melley. Il meurt à l'hôpital le 1er août, à l'âge de soixante et onze ans. Les obsèques ont lieu le 3 août à Vésenaz, son village d'enfance. A la porte de son appartement de la rue Bonaparte, on trouve affiché le billet suivant : « Absent probablement jusqu'à la fin du mois ». Une messe solennelle est célébrée à Paris, en son honneur, le 11 novembre à Saint-Sulpice.